Artificialisation : autres regards, autres points d’attention
Cette partie est un extrait de l’article “L’artificialisation des sols pour les nuls” de la newsletter Nourritures terrestres.
Sommaire de cette dernière partie
- Le regard de Rémi Guidoum de la FNH
- L’avis critique de l’urbaniste David Miet sur le “besoin de démétropolisation”
- Limiter voire arrêter la construction de neuf : un point de vue qui se propage ?
- Voir le verre à moitié plein : l’analyse de Sylvain Grisot (Dixit.net)
- Bonus : les points saillants et intéressants de deux études sur l’artificialisation
Le regard de Rémi Guidoum de la FNH
J’ai demandé à Rémi Guidoum de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) de réagir à la conclusion des auteurs du livre “La ville stationnaire” (à savoir : “Sans une profonde refonte de nos modèles économiques, sociaux et culturels, le zéro artificialisation nette est impossible”).
Il met en garde :
« Attention à ne pas donner trop d’eau au moulin de ceux qui font tout pour se débarrasser de l’objectif ZAN en le jugeant inatteignable, pour continuer à aménager comme avant. Il faut considérer que l’objectif est possible, car il est nécessaire, à condition de réaliser de vrais choix, à chaque étape de mise en œuvre (hiérarchiser les projets, questionner leur opportunité, choisir certains plutôt que d’autres…).
Rappelons aussi que l’objectif ZAN n’est pas pour dès aujourd’hui : c’est une division par deux de la consommation d’espaces en dix ans puis une réduction jusqu’à 0 (nette) dans les vingt années qui suivent.
Pour y arriver, il faut décomposer le défi par étapes. C’est un changement de paradigme, oui, mais il est atteignable, à condition de mettre en place les bons outils (réglementation, fiscalité, outils de suivi, etc.) tout en associant les citoyens aux décisions. Le débat est riche actuellement sur cette thématique, avec de nombreuses propositions formulées par les différents acteurs. »
Parmi les propositions évoquées : inciter fiscalement les agriculteurs à garder leurs terrains nus en y développant des pratiques agroécologiques, comme le propose la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité ; rétribuer les propriétaires terriens pour une bonne gestion écologique des sols non bâtis ; etc. Cette semaine d’ailleurs, le CESE a publié un avis qui propose notamment de renforcer la fiscalité sur la vente de terrains nus devenus constructibles, pour désinciter l’artificialisation.
Quoi qu’il en soit, reprend Rémi Guidoum, « il est clair que si on continue les pratiques d’urbanisation comme aujourd’hui, l’objectif net est une forme de poudre aux yeux. Rappelons que la formation des sols prend des milliers d’années et quelques coups de tractopelle suffisent pour détruire ces milliers d’années. Si on veut avancer dans la voie du “zéro net”, il faut penser des normes de déconstructibilité et intégrer la possible remise en état des sites dès la conception des projets.
Par ailleurs, en considérant l’adaptation au changement climatique, des espaces devront peut-être être quittés. Or un objectif brut pourrait être trop rigide de ce point de vue. Ceci dit, la question du changement climatique remettra probablement en question les équilibres territoriaux bien plus largement que la distinction entre zéro artificialisation nette et brute.
Et puis, tout dépend de la façon dont l’artificialisation est définie. Si on arrive à ce qu’elle soit définie avec une nomenclature non plus binaire mais graduelle, cela changerait beaucoup de choses. Par exemple, on pourrait considérer demain que construire une maison autonome en bois sur pilotis ne relève pas de l’artificialisation au même titre qu’un parking. Ou qu’une construction conçue pour être rapidement démontable et pour préserver le sol ne compte pas comme une construction classique. Dans ces types de configurations, on sort de la binarité et on crée une autre manière de percevoir l’aménagement et le logement. »
Enfin, Rémi Guidoum pointe deux derniers points d’attention :
1. « Le débat sur la ZAN est devenu très arithmétique : il a perdu le sens de l’intention originelle de la loi. On n’entend presque plus parler de climat ni de biodiversité dans les discussions de mise en œuvre ! Par exemple presque personne ne fait le lien avec la Stratégie Nationale Bas Carbone.
Or n’oublions pas, par exemple, que construire des habitats légers ou bien des bâtiments de milliers de tonnes n’a rien à voir, y compris en termes d’émissions de gaz à effet de serre. De là l’importance de faire le lien entre l’objectif ZAN et la Stratégie Nationale Bas Carbone » (sur le même sujet, voir partie « bonus : 8 points à retenir de la Fabrique de la Cité »).
Au passage, le lien entre ZAN et Stratégie Nationale Bas Carbone est crucial aussi pour atteindre les objectifs ambitieux de déploiement des énergies renouvelables, notamment du photovoltaïque. Il va falloir réussir à concilier les deux…
2. « Attention à ce que les efforts de sobriété foncière ne portent pas uniquement sur les ménages. En effet au sein de chaque région, les élus locaux doivent se mettre d’accord pour se répartir les efforts de réduction d’artificialisation (-50% dans les dix ans). Or certains souhaiteraient sortir hors des quotas régionaux certains types de projets considérés comme “d’envergure nationale ou européenne” : construction d’infrastructures, de réindustrialisation, d’énergies renouvelables…Mais en procédant ainsi, c’est-à-dire en enlevant de la comptabilité de la ZAN tous ces gros projets, il ne resterait bientôt que les logements pour les particuliers qui ne bénéficieraient pas de dérogations…Cette perception d’une contrainte à plusieurs vitesses est susceptible de créer un fort mécontentement, voire du rejet, au sein de la population. »
Plus globalement, l’objectif ZAN ne doit pas être décorrélé des enjeux sociaux. Dans ses prochains travaux pour la FNH, Rémi Guidoum soulignera ainsi, d’une part, pourquoi lutter contre l’artificialisation est utile d’un point de vue social, et pointera d’autre part les risques sociaux, « pas encore assez pris en compte », liés à la mise en œuvre de la ZAN. Exemple concret : densifier est important, mais attention : les ménages les plus aisés qui disposent d’un jardin derrière leur maison n’ont pas de besoin financier qui les inciterait financièrement à densifier ; dès lors le risque est que ce soit plutôt les ménages les plus modestes qui acceptent en priorité cette densification (contre gain financier) et risquent donc de voir leur cadre de vie se dégrader si le projet architectural n’est pas de bonne qualité, ce qui accentuerait encore les inégalités.
Un enjeu politique ici est donc de déterminer « comment on incite ou contraint des citoyens à faire des divisions ou remembrements parcellaires », de façon équitable.
L’avis critique de l’urbaniste David Miet sur le “besoin de démétropolisation”
Signe que ces sujets font fortement débat y compris au sein de la profession, l’urbaniste David Miet, dirigeant de Villes Vivantes, a réagi sur Linkedin de façon critique à l’une des affirmations des auteurs de “La ville stationnaire” :
“Je ne crois pas à la phrase « il faudra sans doute « démétropoliser » et favoriser une meilleure répartition de la population sur le territoire », bien que je travaille tous les jours à revitaliser les territoires ruraux, les petites villes et les villes moyennes.
Je crois que s’affranchir du principal phénomène urbain — mondial — de la 2e partie du 20e siècle ne se fera pas par de simples phrases qui commencent par « il faudra » : ces grandes métropoles obéissent justement à des nécessités réelles, qui s’imposent aux individus, et qu’on peut tenter de comprendre en profondeur avant de les déclarer trop facilement obsolètes.”
Il serait intéressant de connaître son regard, ainsi que celui d’autres urbanistes, sur le reste du livre, au-delà de cette phrase.
Limiter voire arrêter la construction de neuf : un point de vue qui se propage ?
Les trois auteurs de “La ville stationnaire” sont loin d’être les seuls acteurs de l’urbanisme à porter un discours critique de la construction neuve. C’est ce que montraient notamment plusieurs témoignages parus dans Le Monde l’an dernier :
-Nicola Delon, architecte : il faut envisager d’« arrêter de construire des bâtiments neufs tant qu’on n’a pas fini d’occuper les vides ».
-Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes : « On recense de 2 millions à 3 millions de logements vacants, dont 600 000 à 700 000 dans les villes moyennes. Six cent mille, c’est l’équivalent de deux années de constructions neuves ».
-Raphaël Ménard, président de l’AREP : « Qu’est-ce qui nous prouve qu’on a encore besoin de construire du neuf ? Existe-t-il au moins un inventaire national des sans doute 4 milliards de mètres carrés bâtis ? Tout est peut-être déjà là. La question est plutôt de savoir comment on transforme. »
-Dominique Alba, DG de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) : « la ville de demain est une ville dans laquelle on arrête de construire des m², et où on trouve les solutions pour mieux utiliser ce qu’on a déjà ».
Côté entreprises aussi, les discours semblent évoluer : selon Le Monde, « Bouygues construction prévoit, d’ici à 2050, de consacrer 95 % de son activité à la rénovation, contre seulement de 5 % à 10 % aujourd’hui. La bascule pourrait avoir lieu dès 2030 ». De son côté, Vinci Immobilier dit vouloir réaliser 50 % de son chiffre d’affaires dans des opérations de recyclage urbain d’ici 2030 (réhabilitation des friches, etc.), et a créé une « calculatrice ZAN », c’est à dire un outil interne « pour mesurer le degré d’artificialisation et le besoin d’artificialisation de chaque opération » (…qu’il serait utile de mettre en open source !).
Logiquement, les métiers évoluent donc aussi, par exemple chez les promoteurs immobiliers (compétences nouvelles en matière de végétalisation, biodiversité, dépollution des sols) ou encore chez les architectes : ainsi chez AREP (1re agence d’architecture de France), les programmistes seraient devenus des « tueurs de mètres carrés » à en croire Le Monde : « une fois le marché signé, on enlève de la surface partout avant que les architectes interviennent » affirme le dirigeant de l’agence.
Est-ce à dire qu’en général, les pratiques des acteurs de la construction et de l’urbanisme évoluent vraiment ? Pas sûr : « pour le moment, on reste sur le “business as usual”. On met du “béton vert” et on serre les fesses. On n’a pas pris la mesure de ce qu’il faudrait faire » disait Philippe Bihouix au Monde...
Voir le verre à moitié plein : l’analyse de Sylvain Grisot (Dixit.net)
Pour conclure cet article, le regard optimiste de l’urbaniste Sylvain Grisot, auteur de la newsletter Dixit.net et de l’ouvrage “Manifeste pour un urbanisme circulaire”, me semble tout indiqué :
Avec la ZAN, « nous n’avions pas eu de débats aussi riches sur la fabrique de la ville depuis deux bonnes décennies.
(…) Oui c’est compliqué, partout, mais ça avance. Et c’est cela la vraie surprise : le ZAN malgré tous ses défauts est en train de transformer en profondeur nos pratiques. Partout en France des collectivités s’engagent dans la sobriété foncière et regardent leur territoire urbanisé d’un autre œil pour y trouver les solutions à leurs besoins de développement. Les faiseurs de villes de tout poil s’engagent dans le recyclage de friches, transforment des bâtiments obsolètes, construisent de nouvelles maisons dans des lotissements vieillissants et réinvestissent les centres-ville au lieu que de laisser filer la vie dans de lointaines périphéries. C’est complexe et cher, mais aussi nécessaire et possible.
Des territoires ne pensent déjà plus leur avenir à coup de croissance, mais en fonction des chocs et des pénuries qui les percutent.
(…) Soudain les regards changent, et chacun cherche sa friche. Le sale, le pollué, le marginal et le cher ont tout à coup bonne presse. Atlas des friches et observatoires fonciers éclosent ici et là, et les dispositifs de recyclage urbains péniblement mis en place par les plus clairvoyants sont désormais sur toutes les lèvres. (…)
Partout des élus locaux affrontent la complexité et font. Ce sont eux qui tissent nos territoires habitables du milieu du siècle. Soutenons-les. »
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Bonus : les points saillants et intéressants de deux études sur l’artificialisation
Les deux études en question :
- Celle de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) de juin 2022 : « Artificialisation des sols : état des lieux d’un défi complexe », par Rémi Guidoum.
- Celle de la Fabrique de la Cité, réalisée à partir d’auditions d’acteurs concernés et de spécialistes.
Etude de la FNH : 3 points à retenir
1/ « La notion d’artificialisation des sols reste prisonnière d’une vision binaire entre sols artificialisés et non artificialisés ».
« Les espaces classés ensemble comme artificialisés ne sont pas égaux du point de vue écologique. Il faudrait passer d’une vision binaire de l’artificialisation [vision présente dans la loi Climat] à une vision graduelle de l’état de dégradation des fonctions écologiques des sols. »
Idem pour les sols considérés comme non artificialisés : les fonctions écologiques de certains sols agricoles et forestiers peuvent être altérées, alors qu’ils sont considérés comme non artificialisés.
« Cette vision binaire ne doit pas conduire à considérer les milieux urbains et périurbains comme nécessairement perdus pour les sols et la biodiversité ; de même, elle ne doit pas conduire à considérer tous les milieux agricoles et forestiers comme écologiquement vertueux. »
-> Réduire l’étalement urbain est certes crucial mais il est aussi nécessaire de travailler à la santé des sols dans chaque type d’espace afin d’y favoriser la biodiversité.
2/ Dans la loi Climat, « malgré la volonté de se concentrer sur l’altération des fonctions écologiques, la distinction se fait en réalité en fonction de l’occupation et des usages du sol. On préjuge ainsi de la fonctionnalité écologique des sols, en se basant sur une approche par proxy, via la présence ou l’absence de certains éléments : revêtement imperméable, bâti, surface végétalisée, etc. »
Mais cette approche masque « un impensé », m’explique Rémi Guidoum : « l’usage du sol n’est pas toujours un proxy assez fiable de la qualité du sol. Aujourd’hui dans le cadre du ZAN on ne regarde pas assez le sol comme un écosystème et on ne regarde pas assez sa qualité écologique. »
Or quitte à artificialiser, mieux vaut le faire sur des espaces de moindre qualité agronomique ou écologique, plutôt que de sacrifier les meilleures terres agricoles et les habitats naturels les plus riches…
3/ Artificialisation et imperméabilisation : tous les sols artificialisés ne sont pas forcément imperméabilisés, or c’est ce qui engendre les impacts les plus sévères sur la biodiversité.
Entre 2006 et 2014, près de la moitié des surfaces nouvellement artificialisées l’ont été pour l’habitat. Toutefois, l’habitat induit proportionnellement moins d’imperméabilisation que les autres usages : seules 45% des surfaces artificialisées pour l’habitat sont imperméabilisées, contre 90% des surfaces destinées aux infrastructures de transport ou aux activités économiques.
Ainsi sur la période 2006–2014, les activités économiques ont été responsables de 37% de l’imperméabilisation des sols, contre 30% pour l’habitat individuel et 4% pour l’habitat collectif.
Parmi les conclusions à en tirer : attention au seul focus sur l’habitat ; en termes d’impact sur la biodiversité, le primat de la responsabilité de l’habitat individuel est à relativiser. Et ce d’autant plus que les espaces résidentiels restés perméables présentent un potentiel de gain écologique non négligeable, moyennant des aménagements et une gestion écologiques adaptés.
Pour finir, la note mentionne un défi majeur : réussir à réduire l’artificialisation sans accroître les inégalités (en accès au logement, aux services, etc.) ni porter atteinte à la biodiversité (…parfois densifier peut créer des impacts néfastes sur celle-ci). Ce sera l’objet d’une prochaine note de la Fondation pour la Nature et l’Homme.
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L’éclairage de La Fabrique de la Cité : 8 points à retenir
1/ Il y a un grand absent du débat public : le lien entre artificialisation et climat.
« Il y a un point particulièrement étonnant dans la loi « Climat et résilience » : le lien entre artificialisation et réchauffement climatique n’a pas été établi de façon explicite. Ce point n’a pas non plus été abordé par les personnes auditionnées. Pourtant, la Stratégie Nationale Bas-Carbone identifie clairement que « l’artificialisation des sols est un sujet à très fort enjeu pour l’atteinte de la neutralité carbone » (en réduisant les émissions de carbone induites par l’urbanisation, en protégeant les espaces forestiers et en augmentant le potentiel de captation carbone des espaces agricoles). »
(…) « Cette orientation va dans le même sens que l’initiative internationale “4 pour 1000” lancée par la France à la suite de la COP21 et visant à augmenter de 0,4 % par an le stockage carbone des sols. (…) Et la littérature scientifique confirme ce rôle joué par les sols pour l’atteinte de la neutralité carbone. »
La Fabrique de la Cité propose ainsi d’ajouter, à la séquence « éviter — réduire — compenser », l’objectif de « maximiser le stockage carbone des sols », notamment en protégeant en particulier les sols dont le stockage carbone est élevé (sols forestiers, prairies permanentes et zones humides).
2/ Toujours selon La Fabrique de la Cité, « l’objectif ZAN peut être interprété comme le signe d’une page libérale de l’aménagement du territoire qui est en train de se tourner. Plus fondamentalement, c’est une invitation à élaborer une nouvelle vision stratégique de l’aménagement du territoire sur plusieurs générations, comme ont su le faire nos ainés après la Seconde Guerre mondiale. »
3/ Cependant la faisabilité de la ZAN est loin de faire l’unanimité. Par exemple, Thierry Lagarde, responsable du service observation et valorisation des données de la Métropole de Lyon, juge l’objectif ZAN « impossible » à tenir ».
L’objectif ZAN pourrait être d’autant plus difficile à atteindre qu’il vise à répondre une multitude de problèmes environnementaux : Jean Cavailhès, économiste et ancien chercheur à l’INRA, s’interroge sur la dimension « passe-partout » de la ZAN, qui va à l’encontre de la règle de Tinbergen, selon laquelle un instrument de politique publique doit avoir un seul objectif identifié et mesurable.
4/ Plus que l’étalement urbain, le véritable problème est l’émiettement, selon l’analyse du chercheur Éric Charmes, spécialiste d’urbanisme. « Les métropoles ne s’étendent plus guère par étalement continu de leurs espaces bâtis, mais par émiettement ». Or « l’émiettement démultiplie les impacts de l’artificialisation des sols sur l’agriculture, les paysages et la biodiversité ». Pour plus de précisions, lire son explication page 15 de ce document.
5/ Quels besoins réels en logements ? L’analyse de l’INSEE (Jacquot, 2011) souligne qu’il n’existe pas de pénurie globale du logement : la France a un ratio élevé de stock de logements rapporté à la population. Ainsi, avec 546 logements pour 1000 habitants en 2014, la France se classe au troisième rang des pays de l’OCDE pour le nombre de logements rapporté à la population, après la Grèce (573 pour 1000) et le Portugal (571).
Pour autant, les situations persistantes de mal-logement, les perspectives démographiques et le choix de localisation des individus nécessitent selon l’INSEE (Jacquot, 2012) de maintenir une production de logements de l’ordre de 300 000 à 400 000 logements par an à horizon 2030. Toutefois, cette approche par les grands ordres de grandeur reste elle-même limitée…
6/ Un enjeu social à ne pas négliger
Selon Éric Charmes, la ZAN risque de « couper une partie de la filière d’accession à la propriété ». En effet, plus le foncier est éloigné d’une métropole, plus son prix tend à baisser. La ZAN impacte donc directement l’accès à un foncier à bas prix, qui est un des moyens d’accès à la propriété pour les classes populaires. De plus, ce type de foncier offre des opportunités pour des projets d’autoconstruction, pour les travailleurs manuels.
L’objectif ZAN viendrait également complexifier l’équation économique du logement social.
Selon Éric Charmes, « on retrouve ici quelque chose de comparable avec la taxe carbone : un dispositif qui peut avoir de très nombreuses vertus sur le plan environnemental se trouve avoir des impacts très différents selon le niveau de revenu des personnes ».
Les questionnements futurs sur la production de logements doivent prendre garde à l’accès à un logement abordable au sein des aires urbaines et à la question plus large du « droit à la ville » (Le Rouzic, 2020).
7/ De nombreuses communes vont être forcées de revoir leur modèle de développement
L’objectif ZAN met à mal un modèle de développement des communes rurales et périurbaines fondées en grande partie sur une urbanisation horizontale, avec des maisons individuelles disposant d’un grand jardin.
Éric Charmes estime que cette capacité à pouvoir proposer des maisons individuelles à bas coût constitue le principal avantage comparatif de ces territoires.
En outre, selon lui, dans de nombreuses communes rurales, le marché n’est pas suffisamment tendu pour justifier économiquement la production de logements collectifs. Ces derniers sont plus onéreux à construire. La ZAN pourrait donc apporter une difficulté pour ces villes qui souhaitaient se développer en augmentant leur population.
8/ La ZAN : l’opportunité de redynamiser les centres urbains ?
La ZAN peut représenter une opportunité d’axer le modèle de développement de ces communes sur le dynamisme des centres-villes face à la concurrence exercée par les périphéries.
En effet certains villages ont de fort taux d’artificialisation, mais perdent des habitants à l’intérieur de la structure déjà construite, laissant des logements vacants. Yves-Laurent Sapoval, architecte et urbaniste en chef de l’Etat, explique : « En construisant en extension des villages existants, on prend le risque de “tuer” leur centre au profit de leur périphérie ». Il s’agit donc ici d’une concurrence des périphéries envers le centre, où l’extension vers la périphérie engendre une perte d’attractivité des centres, avec des conséquences néfastes.
Sur ce point, en recréant de la tension foncière, le ZAN apporterait une réponse à cette concurrence exercée par la périphérie : la ZAN serait donc ici une opportunité et un complément des programmes de revitalisation des cœurs de ville.
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