1 — Comprendre ce qu’est la CSC, ses grands principes, et où en est son déploiement aujourd’hui
Cet article est la partie 1 (sur 5) du numéro “Comprendre les enjeux des technologies de capture et stockage du carbone” publié dans la newsletter Nourritures terrestres. Retrouvez l’introduction et les autres parties dans l’article principal.
Que recouvre la CSC ? On désigne ici « l’ensemble du processus qui capte le CO2, le compresse, le transporte, l’injecte dans une formation géologique, et surveille cette formation pour s’assurer que le carbone y reste » explique Rodolphe Meyer.
NB : le « S » du sigle CSC (Capture et Séquestration de Carbone) renvoie parfois aussi au mot « Stockage » : les deux termes sont souvent employés de façon équivalente. A noter qu’en anglais le sigle consacré est CCS (Carbon Capture and Storage) ; c’est lui qu’on retrouve dans la littérature mondiale sur le sujet.
Comprendre l’étape « capturer du carbone » :
Comment ? La capture du carbone repose sur un vaste éventail de techniques possibles (détaillés notamment dans cet article), mais « aujourd’hui, la capture se fait majoritairement par un solvant dans lequel le CO2 vient se dissoudre », précise Rodolphe Meyer. « Ce solvant doit ensuite être chauffé pour relâcher le CO2, qui est recueilli à ce moment-là ».
Sur quelles installations se pratique principalement la capture du carbone ?
-D’une part sur les centrales électriques qui utilisent des ressources fossiles : charbon et gaz naturel (et dans une proportion bien moindre, le pétrole, très peu utilisé pour produire de l’électricité).
-D’autre part sur les grands sites industriels, dont les émissions ne viennent pas (seulement) de la combustion de ressources fossiles. La production du ciment et de l’acier, par exemple, implique des réactions chimiques émettrices de CO2 (quelle que soit la source d’énergie utilisée).
Comprendre l’étape « stocker du carbone » :
-De quoi parle-t-on ? Il s’agit de stocker du carbone dans des formations géologiques sur un temps long : une dizaine de milliers d’années, si ce n’est (bien) plus.
-Où ça ? Dans des réservoirs de gaz naturel ou de pétrole, épuisés ou en déclin ; ou dans des couches de charbon inexploitable parce qu’enfoui trop en profondeur ; ou encore — et c’est là que le potentiel est le plus important — dans des aquifères salins profonds : des roches situées le plus souvent entre 1000m et 2000m et gorgées d’une eau très salée, impropre à la consommation. L’idée est alors d’injecter du CO2 sous forme liquide ou supercritique (prenant ainsi bien moins de place), qui se dissout dans l’eau.
-Quel potentiel théorique de stockage géologique ? Il est élevé : « les spécialistes semblent confiants sur les énormes capacités existantes pour séquestrer le CO2 » explique Rodolphe Meyer. « Les aquifères salins représentent à eux seuls un stockage théorique de 10 000 milliards de tonnes de CO2, soit près de 300 fois les émissions mondiales annuelles de CO2 ». Les réservoirs de pétrole et de gaz semblent considérables eux aussi (cf image ci-dessous).
Attention cependant à l’écart entre la théorie et la pratique. D’une part, « ces formations géologiques ne sont pas réparties uniformément », rappelle Rodolphe Meyer : « s’il n’y a pas de stockage dans les alentours d’une centrale au charbon, par exemple, les coûts du transport du CO2 peuvent grimper ». D’autre part, l’Agence Internationale de l’Energie estime en conclusion de son rapport dédié à la CSC que « l’accès au stockage géologique est potentiellement le blocage le plus important au déploiement généralisé de la CSC ».
A noter que selon McKinsey, « aujourd’hui, les défis du stockage du CO2 sont principalement non-techniques : un mix de défi économiques, juridiques et réglementaires ».
Image ci-dessous : capacité de stockage des réservoirs de pétrole et de gaz, en millions de tonnes de CO2 (source)
Où en est-on ?
Quel déploiement ? Il existe aujourd’hui 21 sites industriels dans le monde capables de capturer et séquestrer du carbone à grande échelle (au-delà de 400 000 tonnes de CO2 par an).
Parmi eux, seuls 5 servent exclusivement à faire de la séquestration de CO2, précise Rodolphe Meyer. Les 16 autres sont utilisés pour de la récupération assistée de pétrole : injecter du CO2 dans un réservoir de pétrole en déclin de façon à récupérer davantage de pétrole. Pour ces installations-là, la séquestration du CO2 n’étant pas la finalité, la façon de procéder n’est pas la même et les quantités séquestrées sont plus limitées. En revanche, ces installations sont plus souvent rentables (car le pétrole supplémentaire récupéré couvre les coûts de la CSC) — un point important car, comme on va le voir, la non-rentabilité est aujourd’hui le grand frein au déploiement de la CSC.
A noter qu’une partie des installations sont en service depuis des décennies (1972 pour le site le plus ancien aux États-Unis), et que la plupart d’entre elles se sont concentrées sur les applications industrielles où le CO2 peut être capturé à un coût relativement faible (environ 15 $/t CO2).
Quel ordre de grandeur ? Aujourd’hui, les installations de CSC permettent de capter 35 millions de tonnes de CO2 par an, soit environ 1 millième de nos émissions mondiales de CO2 liées à la combustion de ressources fossiles et à l’industrie.
Pourquoi un chiffre aussi faible ? Pour une question de coûts, non-rentabilité et manque d’incitations (lire partie « Comprendre ce qui bloque »).
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